25.1.12

Marc CHARPIN et Yvon LE MIGNAN, 27 janvier 2012

Retour sur l'accrochage dans Hublots du soir



Cinq notes sur Comme ça
portées par "Le Principe d'incertitude"
de Werner Heisenberg

    1. Des rencontres dans l'atelier. Des discussions. Informelles. Ou très formées parfois. Des tentatives de formes. Du temps. Pour rien. Pour le plaisir de la rencontre. Pour le plaisir de la parole. Du journalier : estampe sur le mur, celle qui est venue, croquis sur la table, esquisse punaisée – esquifs. Parler de ce qui est né, de ce qui naît, là. Et qui peut disparaître. Ou se taire. Parce que se taire, ça fait partie du truc, ça participe, ça laisse des traces.
Et puis un jour, la parole et les silences commencent à tourner autour d'un axe, un projet : faire un livre. « Il faudrait faire un bouquin sans le faire d'une certaine façon. » Qu'est-ce à dire ? (point d'interrogation suivi de douze points d'exclamation invisibles, apôtres filiformes, buveurs au comptoir dans les vapes, petits soldats hilares en rang d'oignon). « Un livre dépecé, fragmenté, archaïque, mosaïque (!), comme livré en pâture, composé et décomposé, comme à ciel ouvert. » Mais encore ? « Tout se jouerait dans les coïncidences, par les coïncidences. La matière du livre serait activée par ce qui coïncide, ou pas... Un peu comme un terrain vague, une sorte de terrain vague, une matière peuplée de simultanéités fortuites et de chocs, de bleus, de gnons, d'herbe folle. » Terrain vague ? Herbe folle ? Ortie ? Liseron ? « Un livre qui ne serait pas de plomb, de bronze mais de chemise, de fil à linge, de soleil à éclipses et de souffles, de transparences, tu vois ? » Bon.



     2. Des cahiers. Six cahiers. Hors de toute numérotation. Libres. Disons libres. Pas d'ordre. En désordre. Cahiers désordonnés. Qui n'en font qu'à leur tête. Têtes de pioche (piocher). Rien n'empêche de créer de l'ordre : ordre de lecture, ordre de vision, ordre de corrosion, ordre de manipulation, ordre de fabulation, ordre de circonstance, ordre de frôlement, ordre d'effondrement, ordre d'accolement, ordre de murmure, ordre de reflets, ordre d'osselets, jetés, lancés, dés, brindilles, piécettes... Vent. Voltes, saccades, pulsions, tensions, giron. Le levier du vent. La paume du vent. L'arme première – l'outil premier, c'est le vent. Rien n'interdit le désordre. C'est égal. De l'ordre du roncier. Lieu transitoire du dépôt. Dépôt sauvage. Buissonnier. Choses (morceaux, lambeaux, échos, éclats, torsions, filaments) accrochées, décrochées, amoncelées, pantelantes, statiques, mouvantes, recouvertes. Autrement dit : territoire d'abandon. Le livre. Ou tout comme. L'abandon comme force motrice.


18.1.12

Cécile WAUTELET, 20 janvier 2012

"Maman, la nuit commence mal", 2011
série "coupoles", feutre sur papier, 75 x 105 cm

« Je tournais en rond.
Je tournais aussi autour du pot.
À force de traficoter des petits traits j’ai une tendinite et souffrir pourquoi ?
J’ai cherché le centre et les bords, mais aussi les coins, depuis plusieurs années.
Et voilà qu’un lieu d’expo est rond. Le centre est au milieu je crois.
Alors dessins concentriques à la ligne libérée. »


Retrouvez l'accrochage

Sans titre, 2012
feutre sur papier
env. 150 x 150 cm

dans Hublots du soir.

11.1.12

Séverine CAUCHY, 13 janvier 2012

« Comme toi, j'ai essayé de lutter de toutes mes forces contre l'oubli,
comme toi j'ai oublié … » (*)

C’est l’horreur de l’oubli qui anime Séverine Cauchy. Quand elle regarde le monde - les mécanismes sociaux bien assimilés qu’on ne reconnaît plus, qu’on a rayés de notre mémoire - elle observe les travers sociaux organisés par le politique, elle ausculte notre façon de ne plus distinguer les différences que pour les juger ou les détruire, et alors, elle fait resurgir autrement, en déplaçant sans fracas, les questionnements de la rue. Séverine Cauchy pointe du regard, met sous sa garde, les statu quo entérinés socialement pour mieux nous faire recouvrer la vue. (…)

Dans ce monde d’aveugles aveuglés, les différentes couleurs de peaux, les classements, les archivages, les collections, elle les énumère, les classe autrement, les enregistre autrement pour en faire des énoncés discrets placardés sur des tee-shirts, sur des pancartes de manifestation en carton, sur des feuilles de papier caviardées sur les murs dans la rue. (…) Séverine Cauchy devient l’étrangère dans son pays qui scrute les dysfonctionnements, pour mieux les épingler au propre comme au figuré. (…)

La littéralité des entreprises de l’artiste : rester à la surface des choses, devient un potentiel de perturbation pour mettre au défi les évidences banales, quotidiennes, communes et ordinaires. Elle déjoue le paradigme. C’est l’écart minimum qu’elle retient pour déployer finalement une colère froide sur les ombres terribles d’un naufrage culturel et politique en France. (…)

Il n’existe pas d’autre commentaire politique ici, qu’une disjonction entre pouvoir et vivant, possession et plaisir : l’artiste décide de faire coïncider l’idée et la chose, pour donner autrement la parole à un réel rendu muet par force d’habitude.

Séverine Cauchy craint le pire, comme Marguerite Duras : «  Je me souviendrai de toi comme de l'oubli de l'amour même. Je penserai à cette histoire comme à l'horreur de l'oubli ; je le sais déjà. »
(*)  Alain Resnais, Hiroshima mon amour, film, 1959, 86’10’’, scénario et dialogues de Marguerite Duras



« Canonge », avril 2011
Pancartes : carton, peinture acrylique, feutre, bois
Dimensions variables


Conçu en 1950, du nom de son inventeur l’inspecteur de police René Canonge de la sûreté urbaine de Marseille, ce registre classe les auteurs d'infractions en quatre catégories d’individus : noir, blanc, jaune, arabe.

Informatisé depuis 1992, ce fichier est une base de données utilisée par le ministère de l’Intérieur français afin que les victimes d'agressions puissent reconnaître leur agresseur, d'où l'expression utilisée couramment dans les commissariats : "faire un canonge".

Intégrée dans le Système de traitement des infractions constatées (le STIC), qui recense à ce jour 34 millions de personnes, cette base de données est alimentée au fil des affaires par l’état civil, la photographie et la description détaillée des personnes arrêtées ou placées en garde à vue.

Ce fichier, à ce jour, comporte 12 types ethniques :
Blanc caucasien, méditerranéen, gitan (**), moyen oriental, nord africain maghrébin, asiatique eurasien, amérindien, indien, métis mulâtre, noir, polynésien, mélanésien.

Séverine Cauchy, janvier 2012

(**) Le fichier Canonge été modifié en 2006 : « Ils ont enlevé la mention "gitan", pour mettre "gens du voyage" » (Alain Bauerin Le Monde,8 octobre 2010, p. 9.)

__________________

La contribution au Hublot de Séverine Cauchy a consisté, dans un premier temps, en une intervention sur le tissu urbain local réalisée clandestinement dans la nuit du 9 au 10 janvier 2012. 250 affichettes format A4 ont été collées dans le centre ville d'Ivry, notamment sur le mur Pagès de la place Voltaire :

4.1.12

Laurent LARAPIDIE (alias "Pili"), 6 janvier 2012

Photographies (non retouchées) extraites d'une vidéo-surveillance

! ATTENTION !

Cet individu est recherché pour de multiples faits avérés et réitérés de supervision VFX-3D, tournage d'éléments, motion capture, motion design, mise en place de pipe-lines de production, préviz, etc.

Il peut être dangereux. Ne tentez rien sauf si vous maîtrisez parfaitement Discreet Max, Maya - Adobe PS, AE, AI - NXN, etc.

Pouvant passer facilement inaperçu grâce à un physique relativement anodin, il a néanmoins recours à de nombreuses couvertures, planques et fausses identités multiples dont les dernières connues seraient les suivantes :

Il a été dernièrement vu en compagnie d'un "animal" qui semblerait être une sorte d'éléphant (c'est tout du moins ainsi qu'il le présente...) passablement dénaturé et pour le moins mutant :



Retrouvez :

"Insécurité", 2003-2011
Technique mixte sur Isorel
3 x (70 x 45 cm)

dans Hublots du soir.