27.2.21

Isabelle CAVALLERI du 05 au 19 mars 2021

Je dessine ce qui m’effraie, l’imprenable. Je le pose face à moi et alors, je peux le regarder. Le dessin est mon médium pour projeter l’interne vers l’externe. C’est un dé-bordement au sens du dépassement d’une limite.

Mes dessins parlent tous de notre fragilité, de notre impuissance ou de notre maladresse. Mais aussi de ce qu’on ne peut nous enlever : nos pensées. Cet espace infini qui s’ouvre à l’intérieur de nous et qui, alors même que notre enveloppe est malmenée subsiste. 

Lorsque je dessine mon regard ne se porte pas sur ce qui m’entoure, cela je l’ai observé, ressenti, expérimenté avant. C’est d’un autre regard qu’il s’agit. Celui qui regarde dedans, qui tente d’explorer l’en-soi pour le porter à l’extérieur. En recouvrant les murs de ce paysage intérieur, en y plaçant les éléments qui le peuplent je veux créer une sorte de Théâtre de papier sur lequel se rejouerait cette part intime.

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13.2.21

Danièle GIBRAT du 19 février au 05 mars 2021

Ni peintre, ni photographe, Danièle Gibrat était les deux à la fois dans son exposition « L’archipel du funambule » en 2014 à la Maison d’art Bernard Anthonioz de Nogent-sur-Marne. Elle s’en expliquait dans un entretien avec, peut-être, elle-même : « Lorsque je prends des photos, c’est sans préméditation ni calcul des paramètres techniques. Me guide surtout une forme de superstition, le bon jour, le bon moment… Ensuite je divague devant les tirages. L’objectif de l’appareil m’a inventé un autre regard, et ce qui a été capté par ce « troisième œil » demande à être déchiffré… » Aujourd’hui elle abat en quelque sorte son jeu (c’est le titre d'une série) avec des pièces aux titres énigmatiques et poétiques qui sont autant de chemins d’accès à son univers spécifique : « Précis de gravité » ou « Horitzo »…


Ces œuvres sont très diverses, les matériaux sont extrêmement variés (tasseaux bruts, stylo-bille, peinture, photographie, feuilles de calque polyester etc.) et pourtant elles sont dominées par un principe d’unité qui apparaît comme une évidence au spectateur. Parlons de l’ensemble de ces œuvres comme d’un objet esthétique au sens de la phénoménologie : il exprime avec force et précision le monde de l’artiste, il lui donne à la fois volume et unité. Devant le monde de Danièle Gibrat, nous percevons une certaine impression que le discours ne peut traduire, mais qui se communique en éveillant un sentiment. On peut dire qu’ici l’expression fonde l’unité d’un monde singulier. Ce n’est pas l’unité d’un espace percevable, qui puisse être saisie du dehors. Elle procède d’une unité interne qui n’est elle-même justiciable que de la logique du sentiment. Ce sentiment est particulièrement fort et personnel dans le cas de Danièle Gibrat : « On m’a longtemps menti durant mon enfance, et l’idée de vérité m’obsède. C’est aussi, peut-être, une façon d’affirmer que toute platitude (et des platitudes, j’en ai entendues) masque une profondeur, un abîme. En écho à ce principe premier (accéder à ce qui est occulté), les dessins qui se glissent dans les clichés du parc (le parc de la Maison d’Art Anthonioz, ndla), le papier plié qui s’envole, les fils, les nœuds sont aussi – mais pas que – des variations sur le thème du secret et de son dévoilement… »

Secret de l’étant, sans doute. Heidegger disait que « l’étant ne pourrait, d’aucune façon, se manifester s’il ne trouvait l’occasion d’entrer dans un monde. » Il faut entrer dans le monde singulier de Danièle Gibrat : quelque chose s’y manifeste qui est essentiel.

                                                                                           Jean-Luc Chalumeau 2017


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