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Fusain et huile sur toile, 2010, 300 x 270 cm |
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Série Ibérique, fusain et pâte pigmentaire sur toile, 2010, 185 x 140 cm |
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Série Le pas de temps du modèle, 2010, 140 x 185 cm |
Lorsque Catherine Viollet m’a invitée à écrire ce texte, je suis retournée au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris visiter la collection. C’est toujours un moment qui m‘apaise beaucoup que de revoir les Bonnard, les salles Supports/surfaces, ou encore les œuvres de Martial Raysse. Disons que « je m’y retrouve »…
Les hasards du calendrier ont fait qu’au même moment, les expositions d’André Cadere et A. R. Penck étaient à l’affiche. Si la « peinture en bâton » de l’un me permettait d’appréhender le contexte français des années 70, la peinture sur toile de l’autre m’aidait à mieux comprendre la rencontre de l’abstraction et de la figuration, du signe et du symbole… et donc, entre ces deux rétrospectives, à mieux cerner l’histoire de Catherine et de sa peinture, sa peinture à un moment de cette histoire.
Ce qui m’a intéressée lorsque j’ai vu pour la première fois son travail il y a quelques années, c’est son principe de « dé-liaison ». Dans un premier temps, de façon formelle, la dé-liaison nommait la distance entre dessin et couleur, la dissociation du trait et de l’aplat, et donc, en conséquence la part du vide dans le tableau.
J’ai retrouvé ensuite un peu partout ce mot de dé-liaison : en économie, dans l’urbanisme, en psychanalyse… et pour au moins chacun de ces trois domaines, l‘on conviendra avec moi que le vide est on ne peut plus significatif…
Outre la nécessité de rappeler que la dé-liaison est aussi ce qui permet à l’air de circuler dans le tableau, elle nomme ainsi la perte, l’absence de lien.
Je m’interrogeais en même temps sur la possibilité pour sa peinture, dans son déroulement, de devenir le lieu même de la restauration de ce lien. Comme le pointe
Alin Avila :
un air tumultueux circule sur le tableau et si tout ne vole pas, c’est bien parce que le regard tient, tend tout cela, une tentative d’équilibre instable selon la formule, employée dans d’autres circonstances, par
Sylvia Bächli.
Mais ce qui m’intéressait plus profondément encore, et comme à chaque fois que je regarde de la peinture contemporaine, c’était sa capacité à me distancier tout autant qu’à me propulser dans les préoccupations d’un monde fait de flux et de réseaux, de circulations et de relais, de véhicules d’informations, d’objets, d’hommes…
Je l’ai déjà écris ailleurs : comment des notions telles que l’immédiateté de l’information, l’abolition des distances … mais aussi le durcissement des frontières, l’accroissement des inégalités entre centre et périphérie, nord et sud viennent enrichir le vocabulaire des pratiques picturales, et, à l’inverse, la possibilité pour la peinture de s’en emparer ?
Comment imaginer une traduction plastique à ces réseaux qui couvrent désormais l’ensemble de la surface de la planète, et dont l’immatérialité rajoute beaucoup à la brutale immédiateté de leurs effets.
C’est, à mon sens, cette immatérialité qui fait de la peinture et de sa capacité à transformer des signes en symboles un des médiums les plus pertinents pour une tache d’envergure : donner une image à cette nouvelle organisation du monde, et ainsi, adoucir le traumatisme dont parle
Paul Virilio d’une désorientation fondamentale dû aujourd’hui au temps réel, successif à celui de l’espace réel de la Renaissance.
Catherine elle-même en parle : Comment rester serein et en harmonie quand tout se bouscule, quand ce début de siècle met en œuvre les grands mouvements du monde, que ces évènements prennent tellement le cœur et l’âme...