(Deux sténopés sur une brouette, octobre 2009) |
Une camera obscura – ou sténopé plus exactement – fait partie de mes instruments préférés pour peindre. Sans objectif, elle permet de capter de manière objective les rayons lumineux de ce qui m’entoure. Et pourtant, les impressions obtenues sont déformées et différentes de ce que l'on voit. J'aime beaucoup cette déformation et cette altération de la vision.
Et j'aime aussi la manière dont cette camera m'oblige de me placer physiquement en plein milieu de ce que je veux photographier. Je la déplace en brouette, la hisse par-dessus du grillage barbelé, et nous positionne toutes les deux. Pour voir. Et imprimer autre chose finalement sur le papier. (Le résultat m’apporte souvent beaucoup de surprises.)
La série des photogrammes entre dans cette catégorie de « photographie objective » au même titre que les paysages photographiés au sténopé. Notamment les cyanotypes de feuilles de salade au titre pompeux de Royaume lunaire, temple de la beauté rafraîchissante, ciel au soleil levant (qui désigne des fleurs chinoises): la salade est posée sur le support photosensible et « radiographiée » en quelque sorte, sans retouche ou autre intervention. Cette simple représentation suffit pour nous donner une autre vision de l'objet.
Eva AURICH, avril 2012
Quatre cyanotypes sur papier aquarelle (dimensions variables)
de la série Royaume lunaire, temple de la beauté rafraîchissante, ciel au soleil levant, 2011-2012.
« Eva Aurich aime à saisir les paysages et la nature qui l'entourent. Elle collecte avec divers outils graphiques comme la photographie, le crayon, l'encre, des éléments qui ont été souvent oubliés dans la représentation de la nature. Elle est peut-être l'artiste des oubliés, des relégués, à l'instar de Gilles Clément et de son intérêt de ce qu'il qualifie de « tiers paysage ». Elle donne à voir ce qui ne se voit pas ou qui a peu d'importance. Comme Albrecht Altdorfer, maître graveur et peintre du début du 16e siècle, qui le premier fait du paysage son sujet principal, elle exalte les qualités atmosphériques du paysage dont les éléments constitutifs deviennent les récepteurs et les diffuseurs de la lumière. Dans une sorte d'inventaire, parfois tinté de pictorialisme dans ses photographies, Eva Aurich pose un regard à la fois scientifique et romantique. La nature "radiographiée" d'Eva Aurich, sorte d'herbier médical, décrit la nécessaire attention que nous devrions lui porter au quotidien. »
Christian Garcelon
Conseiller Arts plastiques, DRAC Poitou-Charentes, juin 2010
D'autres réalisations de Eva AURICH