2.7.18

Fabien TURBLIN du 06 juillet au 07 septembre 2018


Aller se faire voir ailleurs ? Quand on parle de voyage l’expression tient la route.                                         
J’ai peu voyagé !
Bouger, le vilain mot. Je n’aime pas vraiment ça,  préparatifs,  trajet, contraintes d’horaires, bof. Sauf si il y a du travail à la clef… J’ai peu voyagé physiquement.
J’ai vécu le nord minier, pays de ma genèse, de mon apprentissage de la peinture, j’y ai tété l’art flamand. J’ai vécu l’Angleterre, j’y ai bien… bu aussi !!! J’ai vécu Paris carrefour des nations, des brassages  culturels, mais aussi de la superficialité et de la fatuité, ma tête et mes certitudes y ont explosé. J’ai  vécu la Suède pays des runes du grand calme et y ai opéré une mue picturale. J’ai vécu la Catalogne, pays du Roman, du gothique et des sucreries baroques, j’y ai posé une belle partie de ma vie : un plafond d’église enluminé (Casteil), des peintures murales restaurées (Nyer), une fresque médiévale remise à jour après un long sommeil de plus de quatre cents ans (ma belle au bois dormant d’En). J’ai embrassé fugacement mais intensément Venise, Londres , Palerme , Amsterdam , Oslo ,  Copenhague , Pompéi , Bruxelles , Naples , Barcelone , en plus de quelques belles (et moins belles aussi…) villes des provinces françaises . J’en ai rêvé  d’autres bien plus lointaines.
J’ai peu arpenté la croute terrestre j’avoue ! 
Qu’y puis je ? L’atelier ne peut pas suivre. Mais je me suis beaucoup projeté !  De la Dame de Brassempouy, ma première émotion plastique, en passant par l’art de civilisations aujourd’hui disparues (ou à naître), traversant les âges jusqu’à l’ère industrielle, toutes, les époques, les régions, les pays et continents, tous azimuts, sans chronologie et sans quête précise, juste la curiosité. J’ai regardé, comparé : les codes, les valeurs, les factures, les savoirs, les techniques, les rites, les mythes.                                                                                   Peu de secteurs de l’activité humaine qui n’éveillent mon appétit et ne m’enrichissent en connaissance. A travers les rencontres, les livres, les musées, les monuments, l’architecture, j’ai bu l’humanité, et dévoré les règnes : animal, végétal et minéral.                                                                                                                    
Pas un pays dont mes méninges n’aient gratté le sol, peu de cultures qui ne m’aient imprégné, peu d’activités humaines qui m’aient laissé indifférent, de Lascaux aux sondes spatiales, de l’infiniment petit à l’infiniment…infini.                      
Tout cela  a nourri et  nourri encore ma création, quand la « Matière » me lâche. Depuis quelque temps les bidons plastiques et autres objets délaissés me harcelent. Un bouillon de cultures dans un chaudron de sorcière…Ça mijote, ça fume, ça grouille, ça jaillit ! C’est le sabbat, c’est fécond, les créatures « masques » émergent. L’atelier alors à quelque chose d’une salle de chirurgie, du cabinet de Nicolas Flamel et des écuries d’Augias.
 J’ai ce plaisir de redonner vie aux trésors cachés ou oubliés de styliciens (designers outre Manche) inconnus, de plasturgistes anonymes. Ces formes ignorées sont parfois d’une esthétique épatante, des œuvres à part entière, l’œil et l’esprit sont souvent bien dédaigneux, n’est pas Duchamp qui veut. J’ai tourné, fraisé, ajusté je connais le labeur, la valeur de ces hommes et femmes anonymes, chinois, polonais, turques, picards comme occitans ou de bien d’autres ailleurs.
Chaque masque est une aventure singulière, une somme de croisements, de rencontres, d’alchimies, une hybridation entre arts « populaires », «premiers » et esthétique  industrielle, entre plastique primitive et plasturgie contemporaine. Une forme trouvée dans la rue en appelle une autre et encore une autre...ça m’excite les neurones et c’est parti ; Les yeux roulent, la tête s’emballe, les mains tremblent : « Ding dong ! » embarquement immédiat destination Océanie, Afrique, Amériques,  Asie, Civilisations passées, Mondes futur, Pays des merveilles, Enfer, Olympe etc. Me voilà papou un jour, japonais ou celte le lendemain, émailleur limousin du haut moyen âge ou plumassier aztèque la semaine d’après, Mister Hyde l’artiste à subjugué le Docteur Jeckyll technicien en s’octroyant mille vies imaginaires.

Finalement, chaque masque est un voyage intérieur  en pantoufles de sept lieues, j’ai beaucoup voyagé !




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                         Ses Hublots du soir