Retour sur l'accrochage dans Hublots du soir
Forum the Images à Göteburg, Suède - Octobre 1999 |
FotoFolies de Loche, Pays de la loire- Septembre 2002 |
"L'inconnu assis en face de moi attire mon attention. L'observation de son visage me captive un temps, puis je l'oublie. Revenant à l'inconnu, je reste stupéfait. Il n'est plus le même, quelque chose a changé. Et pourtant il s'agit toujours du même individu. J'observe à nouveau ce visage. Assis en face de moi, en l'espace de quelques minutes, l'inconnu n'est ni tout à fait le même, ni tout à fait différent.
Le portrait est un genre difficile dans la photographie. Les thèmes de l'identité, la capacité de la photographie a la représenter sont au cœur de cette démarche. Avec la série Daily Portrait, j'explore un nouvel axe de recherche : l'empreinte des jours sur nos visages. Je suis sensible aux petits changements, aux petites nuances. Cette transformation permanente m'intéresse.
Qui est photographié sur notre carte d'identité ? Ce portrait représente-t-il vraiment ce que nous sommes ou s'agit-il seulement de notre visage le jour où la prise de vue a été faite ? Le dispositif de Daily Portrait me permet d'observer longuement chaque modèle. Je choisis des inconnus. Chaque jour de la semaine ils se rendent dans mon atelier, chaque jour de la semaine je les photographie à la fin de leur journée de travail. Ils ne doivent changer en rien leurs habitudes. Tous les jours, durant un mois, à la même heure, je les attends dans mon atelier et je fais une prise. Un travail quotidien se met également en place pour moi. Je lave mon négatif et je le sèche. Je fais un tirage 30 x 40, je le classe et je l'archive. J'aime la répétition.
J'ai besoin de temps, alors je répète le temps. Ce dispositif seul me permet d'observer longuement un visage. J'établis lentement une relation avec cet inconnu assis en face de moi, un mois pour commencer à connaître la personne photographiée. Ce dispositif seul me permet de mettre en place ce temps photographique, ce temps nécessaire au regard.
J'aime les visages sans expression. Faire une belle image ne m'intéresse pas. Avec Daily Portrait, je ne cherche pas le beau. Je cherche l'identité. Le point de vue est frontal, le cadre est le gros plan, tout accessoire est éliminé. Comme une photographie d'identité. Jour après jour, le même cliché avec un film de la même sensibilité, du même diaphragme, de la même vitesse.
Il y a autant de visages différents qu'il y a de prise de vue. Et pourtant il s'agit du même individu. Ni tout à fait le même, ni tout à fait différent."
(à propos de sa série Portraits quotidiens, 1997)
Payram (photographe), Eric Guglielmi (photographe et éditeur) et Philippe Bretelle (graphiste, au Hublot en Mars 2012) nous ont préparé une scénographie autour du livre Syrie 55, paru il y a peu aux Editions GANG.