Corinne Jullien travaille instinctivement à partir de la couleur et de cette spontanéité nait des formes. C’est un processus très automatique qui peut rappeler l’expressionnisme abstrait, c’est une énergie pure en action, des rythmes figuratifs apparaissent comme des patterns.
Ces formes récurrentes sont comme des archétypes qui émergent de l’inconscient, ce sont souvent des modèles primitifs, des symboles.
C’est en regardant ses œuvres que tout un chacun trouve matière à correspondances, à narrations et à rêveries exponentielles. Sa peinture est sans fin, elle s’accorde avec l’infini de notre imagination.
Ce qui se raconte dans chacune des pièces de Corinne Jullien est une représentation composée de strates comme un mille feuilles. En extrapolant, ses œuvres peuvent s’apparenter au test de Rorschach, elles sollicitent la sensibilité et l’inconscient du visiteur.
L’interprétation de ses toiles et des œuvres sur papier en révèle plus sur le regardeur qui les commente que sur la peintre elle-même.
De ses peintures émergent des éléments grossis ou réduits comme nous les fournissent les rêves ou les fantasmes. Des rencontres ahurissantes se produisent. Le rêve est l’expression d’un désir, soit clair, soit dissimulé. Désirs de fuite, désir d’échapper à un piège, désir de rencontre. Nos désirs masqués se situent à la limite de la figuration et travaillent notre mémoire, nos souvenirs. Souvenirs réels ou faux souvenirs, l’esprit reconstruit le passé, l’imagine parfois.
Le travail de Corinne Jullien, y compris dans les titres de ses œuvres, exprime des ambivalences : une lutte entre le bien et le mal, entre la cruauté et une impression enfantine et joyeuse, entre le presque figuratif et le presque abstrait. C’est une pulsion de création, comme si la peinture était la vie, mais une vie plus prégnante et plus intrépide que l’autre.
Extrait du texte de Laurent Quénéhen, critique d'art, commissaire d'exposition,
écrit à l'occasion de l'exposition Figure augmentée, galerie Le Trapèze. 2024.