[ Peint (re) ure (s) ]
Détail du verso d'un possible accrochage |
D'abord, trois peintures sur toile représentant le même sujet, non signées et probablement réalisées, à la main, en Chine (peut-être à Da Fen), dans une "fabrique spécialisée" comme il en existe des milliers. Trois tableaux donc, comme il en existe peut-être des centaines d'autres identiques, partis de Chine en containers, il y a peut-être des années et pour une destination qui restera inconnue. Trois choses qui finissent par ressurgir, en vrac, entre articles de ménage et DVD de série Z, sur l'étalage d'un stand "Prix unique, fouillez, fouillez, c'est pas cher !" Un vendredi matin. A Ivry-sur-Seine, Val de Marne, France, Europe, Monde.
Ensuite, un texte commandé à ce propos :
« Tranche(s) »
Pas un tableau. Pas une image. Juste un non-lieu.
Une trois deux maisons, une deux trois toiles. Peinture en pâture et pour de vrai de quelque zone essaimée – non-ci, non-là, ni ailleurs –, lisière bornée qui est à la poétique paysagère ce que la petite maison dans la prairie serait à la déterritorialisation deleuzienne.
UneAlignez ces toiles : les horizons s’ajustent à peu près, tout est calculé, la répartition boueuse des formes et des couleurs, rien ne coïncide exactement ni ne diffère, à commencer par la rugosité racoleuse de la surface. Tout est simplement : FAUX. Jusqu’au recouvrement du châssis, car la toile est seulement collée sur le cadre en bois, et la tranche peinte en raccord imite et fétichise cet ancrage symbolique de l’art à son bâti. Car il s’agit moins d’esquisser telle primitive lisière que d’en garantir l’épaisseur meublante et sa formidable caution bourgeoise. L’habillage du tableau dans sa propre contrefaçon trahit son abdication imaginaire et la naïveté d’un ciblage marketing.
UneAlignez ces toiles : les horizons s’ajustent à peu près, tout est calculé, la répartition boueuse des formes et des couleurs, rien ne coïncide exactement ni ne diffère, à commencer par la rugosité racoleuse de la surface. Tout est simplement : FAUX. Jusqu’au recouvrement du châssis, car la toile est seulement collée sur le cadre en bois, et la tranche peinte en raccord imite et fétichise cet ancrage symbolique de l’art à son bâti. Car il s’agit moins d’esquisser telle primitive lisière que d’en garantir l’épaisseur meublante et sa formidable caution bourgeoise. L’habillage du tableau dans sa propre contrefaçon trahit son abdication imaginaire et la naïveté d’un ciblage marketing.
Parfait contresens historique, à l'heure de la reproductibilité technique de l'art, que cette aura laborieuse appliquée en cache-misère à un pur système de production à l’identique, sans autre variante que celle de la maladresse. Limite sacralisée de la reproduction manuelle. Le folklore frelaté du fait main rabat la modernité douteuse d’une esthétique sérielle en effet d’appel commercial « 100% HAND MADE ». Seule la marchandise est ici célébrée, non la vision : croute informe, cataracte maladive qui fait le lit d’un paysage platement nostalgique, pieux topos formaté dans le relief gratuit de l’image dé-virtualisée, globalisée, d’une néantisation de l’art.
Malevitch décomplexé rendu à l’attrait régressif du pseudo-vernaculaire, la petite prairie des alignés mal nantis bien lotis, dans leur paradis expurgé – le nôtre exactement ? Sweet peinture, sweet sweet home : bercail grégaire, so sweet...
Petit arpent parasite qui n’a de paysage que le format ; de motif que la démultiplication du même et la mise en abyme de son propre principe de production. À ce stade : vertige conceptuel qui ne peut que flatter l’œil aguerri du collectionneur pervers – s’il en est (*) –, projetant la radicalité d’un geste d’artiste dans l’évidence de sa négation même. Il faut toute la complaisante rhétorique contemporaine et l’emphase d’une invention raréfiée pour faire de la confusion symptôme, convertir la contrefaçon en marque de fabrique et déceler dans ces platitudes rampantes l’horizon déviant d’un second degré ; pour redoubler l’imposture et l’accréditer en farce appropriationniste ; identifier dans l’effarent simulacre d’un sous-produit de bazar la réalité bafouée de la peinture – et la tristesse d’un miroir.
(*) Remerciements à LP, l’éclectique alternatif, modérateur et crypto-récidiviste du Top 100.
Stéphane ANDRÉ, mars 2011
Pour une proposition de réflexion sur, dans le désordre mais en même temps, la Globalisation, la Chine "usine du Monde", le kitsch (populaire ou Contemporain ; bon ou mauvais ; volontaire ou non ; sujet ou résultat), le Marché de l'Art et les marchés de l'art, les notions d'auteur, d'artiste et de producteur, le goût, le bon goût, le mauvais goût, le pas de goût, la Peinture...
A noter également, un album :