Retour sur l'accrochage dans Hublots du soir
et plusieurs albums à feuilleter dans La Bibliothèque du Hublot
Au commencement était la matière
Pli n°4, 2009, 92 x 60 cm, agglo gravé, impression sur japon Kawanaka marouflé sur toile peinte, gris et jaune |
«Pour Marc Charpin, et de son propre aveu, au commencement est la matière. Pas de concept préalable et impérieux ; pas de forme représentée qu’il s’agirait d’imprimer à toute force à un support. Mais son geste est d’abord de soumission, de soumission à ce qui est déjà là, qui préexiste, qui est donné, pas forcément dans la nature, bien sûr, mais qui, artefact, se présente et s’offre à ses sens, à sa main, à ses outils.
Le matériau, la technique sont toujours variés.Cependant, il ne faudrait pas voir dans cette diversité l’exercice d’un libre arbitre, d’un choix souverain qui manifesterait qu’il dispose et voyage ainsi à sa guise. Il s’agit bien plutôt de laisser exister et se déployer la profusion plurielle d’un réel et de ses lois, afin de se laisser déterminer par lui, et de promouvoir ensuite de l’intérieur l’éventail de ses linéaments et de ses possibilités, avec leurs limites.
Ce principe, une fois appréhendé, se décline en diverses figures et procédures, constatables. Ainsi, outre la multiplicité des matériaux et des techniques, on peut être frappé par la dominance du processus d’empreinte, pour l’essentiel gravure et lithographie. Selon les propres dires de Marc Charpin, cette manière de faire lui permet de différer la genèse de l’œuvre, d’y introduire une sorte de hiatus et de médiation. Selon la logique que je tente ici de mettre au jour, j’ajouterais, sans contredire la proposition précédente, que, comme telle, l’empreinte permet, elle aussi, à sa façon, de faire dériver la production d’un déjà-là. Comme si lui importait que le surgissement propre vienne toujours en position seconde, subordonnée, qu’il y ait toujours un préalable qui conditionne ce qui suit et advient, et lui échappe.
On pourrait penser, mutatis mutandis, pourquoi pas, à Rodin, à qui il importait de donner à voir, lui d’un seul tenant, et l’œuvre et le bloc brut dont le geste créateur l’extrayait. Peut-être que, dans une certaine mesure d’ailleurs, ce qui est ainsi à l’origine est aussi bien à l’arrivée, comme si le geste et le travail n’avaient fait que faire ressortir au terme l’essence même du matériau, ce qu’il celait en son cœur au titre de la potentialité. Pour ma part, je verrais derechef la même logique à l’œuvre dans le goût obvie et revendiqué de Marc Charpin pour les séries. Là aussi, selon ce dispositif, il doit y avoir un premier, d’où se déduit la suite.
On pourra enfin noter le remploi, surtout dans les sculptures, métaux récupérés, réagencés, redisposés, réajustés, mais dont la prégnance et l’étoffe premières ne sont jamais abandonnées. Bien sûr, j’exagère un tout petit peu, pour la démonstration. Car Marc Charpin est bien là, lui aussi. Il imagine, il manie, il trace, il raie, il compose. Mais il a manifestement besoin de cet appui, de cet adossement. Il en a besoin au point – on l’a vu – de le mettre en scène, comme en un jeu d’abyme, au cas où il ne tomberait pas sous le sens. En ce jeu ne fait que se redoubler l’énigme. Qui, quoi est premier ? Peut-être importe-t-il, avant tout, que cette question reste à jamais sans réponse univoque, qu’il y ait surtout une indistinction première, que se dérobe à jamais l’identité de qui ou quoi dicte le geste, que ne soit jamais levée l’équivoque, intrinsèquement féconde, entre le passif et l’actif.
Car tel est aussi l’homme Marc Charpin, bloc compact carré dont s’engendrent et surgissent ses œuvres, monolithe que sa parole, son geste, sa poignée de main tranchent et découpent soudain sans une hésitation pour en offrir une pièce en partage. »
Fernand Cambon, 2009
Texte écrit à l'occasion de l'exposition de MC à la Galerie La Toupie
Qui ne connaît, depuis le champ de la psychanalyse, Fernand Cambon, traducteur
français de Freud parmi les meilleurs comme en témoigne notamment sa seconde et