Transformer le récit en chemins de regards / Gaetano Persechini
De quoi sont faites les peintures de Muriel Dorembus ?
Elles sont constituées d'une infinité de questions, car de prime abord on ne sait pas ce que l'on regarde.
Sont-elles des paysages, réels, rêvés ou intérieurs, des Natures fossiles, des jardins secrets ou incertains, des lointains océaniques ou terrestres, des arbres antiques, des roches gisantes, des cosmogonies, des traces, des empreintes, qui nous maintiennent au bord du monde, ou uniquement des signes, pour conspuer la mort.
Tout cela, mais avant toutes choses de la peinture. La peinture qui dessille notre regard. Dans notre expérience de voir, notre œil fouille la moindre parcelle du paysage et de la toile, avant de revenir au tout. Notre regard passe ici par une sorte d'enfouissement avant de renaître à l'éclat, à la surface, là où les ombres errantes, les fluides, les ondulations, les formes, glissent et s'étalent, creusent puis surgissent comme des « chants profonds, des voix-lumières ».
Au cœur des nombreuses heures que Muriel passe à l'atelier, elle tente de rétablir le chaos.
Toucher, c'est abîmer, dit-elle. Encore une affirmation que l'on questionne. N'est-ce pas inévitable, en peinture. N'est-elle pas, la peinture, telle que la pratique Muriel, un éternel recommencement, pour « voir », espérant l'apparition ou la révélation.
Il s'agit alors, au centre de ce chaos de faire surgir une présence, et si tout va bien, car l'artiste est souvent insatisfaite, de la beauté.
Mais la question revient, de quoi est faite la peinture de Muriel Dorembus, que nous dit-elle ? Peut-être comme l'exprimait Bram Van Velde pour lui-même, peint-elle l'impossibilité de peindre.
De ses mystérieux amalgames, recouvrements, recommencements, surgissent des rivages où accoster, pour reprendre souffle, s'éloigner des tempêtes de la nuit et revenir à l'essence de la peinture, du geste, de la trace et du signe.
Alors inlassablement Muriel peint. Car tout art est heureux dont la réalisation est réussie, et ce quel que soit le sujet, si celui-ci est bien peint*, mais surtout me dit-elle encore dans le silence et le chaos de l'atelier, espérer jusqu'au bout libérer le rêve à portée de nous, comme un secret qui viendrait enfin nous parler et transformer le récit en chemins de regards.
* Judith Reigl
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