3.4.12

Sylvie MAS, 6 avril 2012

Cinémascope, 2010, technique mixte sur papier, 22 x (18 x 24 cm) - vue d'exposition

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Quelque part dans ses Carnets, Léonard de Vinci s’interrogeant sur la nature de la gravité et de la légèreté, en donne cette description qui conjugue la rigueur de l’observation scientifique à une poésie inattendue : « Ce corps est dit grave qui, laissé en liberté, se dirige vers le centre du monde par le chemin le plus bref. Ce corps est dit léger qui, laissé en liberté, fuit le centre du monde, et chacun est d’égale importance. »
Fruit d’un processus d’élaboration complexe, les sculptures de Sylvie Mas […] me semblent parfaitement incarner ces corps tantôt graves, tantôt légers. Entre densité et ténuité, chute et fuite, comme suspendues dans l’espace, ces œuvres partagent, entre elles et avec nous, une pensée de la forme en mouvement, une méditation sur le temps.


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Sylvie Mas […] assimile fréquemment ses formes coulées en plâtre à des « nuages ». Or, comme les taches, les flaques et les halos, le nuage ne possède pas de forme stable. C’est un état temporaire d’une matière impalpable, en mouvement. Aussi, lorsque Hubert Damisch analyse la fonction du nuage dans la peinture de la Renaissance, il observe que celui-ci échappe, par nature, à la grille rigoureuse formée par la perspective géométrique — et donc à la démonstration rationnelle de la perspective : « Si peindre c’est d’abord dessiner (…), si la peinture commence avec le contour (…), le nuage est connoté d’entrée de jeu comme élément hors la norme. »  Élément étranger au système réglé et codifié de la représentation picturale, le nuage en perturbe et en ouvre le champ.


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[…] Le « travail » demeure visible dans les sculptures de Sylvie Mas : tracés indiquant lignes de coupe et points d’assemblage, débordements de filasse et présence visible du châssis derrière les plans de plâtre, traces de découpes, de jointures et de collage… Ces signes du travail d’assemblage ne sont pas effacés, mais affichés car ils constituent, associés au dessin initial de la coulée de plâtre, le dessin de la sculpture achevée. C’est ce dessin qui, jouant des rythmes introduits par l’alternance de formes aux contours «mous», et de lignes géométriques de coupe et d’assemblage, qui assure la relation dynamique entre les éléments. Ce principe d’organisation n’est pas sans rappeler les fragiles constructions de Richard Tuttle, ni ce que Donald Judd percevait dans les reliefs de Hans Arp : «une bonne œuvre est un tout qui n’a pas de parties. Les protubérances ne peuvent jamais être clairement considérées comme des unités plus petites ; elles ne sont pas des unités secondaires. La perception du tout domine les impressions produites par les parties…» De même les sculptures de Sylvie Mas, bien que composées de fragments assemblés, sont avant tout perçues comme un « tout » organique, animé d’un intense mouvement intérieur.
extraits de « Le léger, le grave », texte consacré en 2010 à Gabriele Chiari et Sylvie Mas
à l’occasion de leur exposition commune à l’AGART



Retrouvez la pièce exposée dans Hublots du soir  :

Interférences, 2012
cadre numérique, meuble de cuisine, platre, clé usb, papier peint
142 x 150 x 60 cm

et d'autres travaux de Sylvie MAS sur son site et dans cet album :