Des protégés de la marquise de Pompadour,
la postérité n’a retenu que les noms de Boucher, La Tour et Van Loo. De
Polisson d’Arvy (1710-1774), dont l’œuvre pourtant lui avait valu la
considération de Diderot : « Pour regarder les tableaux des
autres, il semble que j’aie besoin de me faire des yeux ; pour voir ceux
de Polisson, je n’ai qu’à garder ceux que la nature m’a donnés et à m’en bien
servir (…). O Polisson ! ce n’est pas du blanc, du rouge, du noir que tu
broies sur ta palette : c’est l’air et la lumière que tu prends à la pointe
de ton pinceau et que tu attaches sur la toile. » (Salon de 1763, in
Œuvres esthétiques, Garnier frères, 1966), il est regrettable que l’histoire de
la peinture, pour d’obscures raisons, n’ait rien à dire, et que les musées
(hormis celui de Vannes où l’on peut s’abîmer dans la contemplation de son
« Apollon s’emparant d’Ocyrrhoé ») n’aient rien à faire, à moins que
l’effroi suintant du labyrinthe des réserves ne refoule tout désir
d’archéologie domestique chez nos conservateurs.
Ainsi, ce n’est que dans les collections particulières auxquelles son
entregent lui aura permis d’accéder ou dans les salles des ventes lorsqu’il
aura repéré un lot prometteur dans La
Gazette de l’Hôtel Drouot que l’amateur peut aujourd’hui tomber sur un
tableau de Polisson d’Arvy.
Il s’agit toujours d’une scène
mythologique puisque le peintre fonda son œuvre sur un renouvellement du genre
dont sa vision de « Leda et le cygne » donne un exemple
délicat : abandonnée sur une barque nocturne au premier plan, la fille du
roi d’Étolie dans les atours d’une aristocrate de la cour de Louis XV assiste à
l’apparition, au second plan, d’un cygne glissant sur une onde laiteuse qu’
aucun physostome ne trouble, non plus que de Madame de
Pompadour, une allusion à son nom de jeune fille ne saurait entacher l’estime
que Polisson d’Arvy portait à sa protectrice.
Robert Laperche, La peinture française
au XVIIIème siècle : transformations et mutations, Skira,
1972