« Une projection de lumière sur une toile blanche, une toile
monochrome de couleur turquoise, une cale qui fait pencher un socle blanc, la
photo d’une page A4 blanche sur un bureau noir, un ensemble de soixante-quatre
toiles monochromes quadrilatères noires, trois allumettes sur un socle blanc,
un orateur sur un fond blanc face caméra, des compositions de carrés et
rectangles gris projetées sur un mur blanc, une toile monochrome enfermée dans
un caisson en bois, des carrés noirs sur des toiles blanches...
En regardant
formellement les propositions de Michael Jourdet, de facture minimale et
épurée, on pourrait facilement les inscrire dans la continuité du mouvement
conceptuel des années 70 et de ces œuvres qui s’intéressaient plus à
l’intention de l’artiste qu’à la réception de l’œuvre par le spectateur : l’art
pour l’art, “Ce qui est à voir est ce qui est.”. Pourtant, en observant plus
attentivement, on découvre dans les propositions de Michael Jourdet une toute
autre dimension : celle du jeu et de l’humour, qu’il porte sur l’œuvre
elle-même, sous le regard complice du spectateur.
Son premier cycle de travail autour de la figure du Monochrome en
témoigne : détournée et transformée, la toile pure de K.Malevitch devient le
support d’une malice digne de A.Allais : voilà que l’on joue au dé une
composition picturale, qu’on en colorise une autre pour la rendre tendance,
qu’on lui trouve un sponsor ou encore qu’on la transforme en un objet de luxe !
L’œuvre sacrée et impressionnante laisse place à une proposition joueuse,
ouverte au spectateur.
Le second cycle de
travail de Michaël Jourdet, Ecrits & Commentaires évolue toujours dans un
esprit complice et amusé, mais questionne cette fois la relation entre
l’artiste et son spectateur : que peut-il lui « donner » ? Jusqu’où peut-il
commenter sa propre création, jusqu’où est-il l’interprète privilégié de son
œuvre ? Peut-il donner trop, peut-il donner trop peu ? Derrière ces questions,
c’est toute la problématique de la médiation qui s’ouvre : le sens des commentaires
dans une exposition, le rôle d’un critique, l’intérêt (ou non) d’un
accompagnement pour accéder au sens profond de l’œuvre…
Dans ces deux cycles Michaël Jourdet joue avec le spectateur, lui
ouvre jusqu’aux coulisses des doutes de la création et le considère ainsi non
plus comme un amateur obéissant mais bien comme une personne capable de se
questionner et de remettre en question des principes établis».
Anne-Sophie
Bérard, commissaire indépendante
Le site de Michaël Jourdet ici
Son Hublot du soir