Entrer dans l’univers de François Andes revient à s’aventurer dans une plongée dans le temps. Puisque l’on sait – si l’on ose la métaphore des travaux – quand on démarre mais pas quand on en sort, tant son imaginaire est foisonnant, riche et merveilleux dans le sens du mot latin mirabilia qui caractérise les choses étonnantes et admirables. Le monde qu’il nous offre à sillonner du regard n’appartient pas tout à fait au nôtre, tout au moins ce ne sont pas les mêmes règles qui le régissent. Le surnaturel y a droit de cité. Au cœur d’une forêt fantastique se croisent des êtres hybrides mi-humains, mi-animaux, dans un ailleurs intemporel. On y rencontre des personnages sortis de contes de fées, de mythes ancestraux, de fables, de légendes, d’épopées et de fantasy… Dans cette imprécision sur le plan géographique, mais avec une récurrence de certains motifs: la forêt, la cabane ou la construction, le chevalier, les lutins, des monstres, … nous progressons en territoire magique peuplé de chimères étranges. Le rapport de François Andes à la forêt semble proche de la croyance en l’existence d’une âme propre à la nature qui se fait jour dans les rites du candomblé. De ce foisonnement végétal sourd une fascination terrifiante qui nous plonge avec délice dans les rêves cauchemardés de notre enfance. S’y mêlent les ambiances propres aux primitifs flamands Jérôme Bosch, Pieter Brueghel l’Ancien, aussi bien qu’au réalisme magique de Jorge Luis Borges ou de Gabriel Garcia Marquez ou encore au cinéma de Fellini ou de Alejandro Jodorowsky…. On sent dans les dessins de François Andes ces croisements de cultures au sein de récits issus de la tradition orale, religieux ou païens, truffés de références non citées, marqués par l’absence totale de frontière entre le rêve, l’imaginaire, l’hallucination et le monde de la réalité. Mais on perçoit également un syncrétisme plus vaste qui amène au spectacle, la mise en scène, la danse, le monde des mangas comme celui du cinéma, de l’opéra.
Le dessin représente pour François Andes une pratique quotidienne. Il ne s’arrête jamais de dessiner et y voit même un aspect ouvrier. Il s’agit de ne pas perdre la main, comme un pianiste fait ses gammes. Insomniaque, il nourrit ses nuits blanches de feuilles de papiers immenses qu’il noircit patiemment de son univers personnel. Il revendique un travail non maîtrisé qui croît au gré de son imagination et accepte les erreurs techniques et les invraisemblances en refusant la virtuosité. Et pourtant son trait se fait précis, insistant, fouillant sans cesse dans la profondeur du végétal pour y faire surgir les personnages qui le peuplent. La composition n’est pas pensée au préalable cependant son équilibre s’établit au fur et à mesure, par l’action de la mine de plomb qui se déploie sur le papier suivant les méandres de son auteur. Viennent alors dialoguer les pleins et les vides, les noirs et les blancs pour faire naître des rencontres entre êtres et plantes.
Isabelle de Maison Rouge