Je ne représente pas ce que je vois, je suis guidé par autre chose qui va se donner à voir, qui ne pourra être appréhendé que par l’oeil du spectateur, par sa présence, par sa vision.
Je cherche à être dans l’énergie de la couleur, dans l’intensité non dictée par la seule volonté. Je joue en permanence avec le hasard et l’aléatoire, j’invente des stratégies, pour faire surgir l’inattendu… Les formes doivent venir autant du mental que du corps, il faut s’abandonner…
Dans un espace temps infime, quelque chose se joue avant les mots, que les mots en écho au regard viendront éclairer par la parole, la réflexion ou le silence que les tableaux déclenchent chez « le regardeur ». La peinture tente de saisir l’insaisissable, l’improbable mouvement des choses ; quand je regarde, je ne vois rien, quand je peins, je m’approche d’une perception.
La peinture est la projection mentale du corps multiple du peintre dans son interrogation perpétuelle de l’acte de peindre. Entre aveuglement et éblouissement, se tient une frontière fragile où les mots n’ont pas encore surgit… Entre la vision et le regard, une résonance impalpable… Fragilité, intensité et mystère : présence(s). Le corps voit ce que l’oeil croit voir, le peintre ne voit rien ; peindre c’est un envahissement progressif, un ensevelissement sous les décombres, une brèche ! La peinture se situe avant le langage, dans la matière secrète des mots.
En peignant, je tente une approche,
je guette ce gibier insaisissable qui est « moi »…
Marc Feld
« Pour Marc Feld, la peinture n’est pas une technique (ou si peu),
mais un surgissement – le lieu d’une présence tremblée, le lieu
sans lieu de la rencontre avec les grands morts.
Un surgissement vertigineux, inépuisable.
Ici, tout le corps voit – précisément ce que les autres ne voient pas.
Les êtres et les choses en leur centre d’inquiétude.
Marc Feld se re-connaît dans la peinture.
Il se re-connaît dans ce qu’il n’a pas voulu.
Ou voulu tant et si fort qu’il n’en savait rien.
Jusqu’à s’abandonner. S’il ne peint pas,
il n’est pas lui-même. Tout simplement – et splendidement. »
Zéno Bianu (poète, dramaturge, essayiste et traducteur français.)